Contrainte: anaphore (répétition) sur “demain”; sablier: 1h15.
Demain, je m’y mets. C’est pas difficile. C’est juste une question de volonté, c’est tout, c’est rien. Je mets mon réveil à 7h30, 7h30 ça va, c’est pas si tôt. Je me levais bien plus tôt, quand je bossais, c’était pas tant une affaire. Non, non, c’est jouable, demain à 7h30, quand le réveil sonne, je n’hésite pas une seconde et tac!, je me lève, direct. La douche, c’est bien la douche, je n’ai même pas besoin de la prendre froide, je peux la prendre très chaude et quand j’en sors, tada! je serai pimpant. Demain, je me reprends en main.
Maintenant que c’est décidé, je peux profiter de cette dernière journée. Je termine Stranger Things pénard, sans me prendre le chou, j’ai bien le droit de me faire plaisir. Parce qu’on ne profite pas, mais pas du tout, en chômage partiel, qu’est-ce que les gens pensent? Déjà, on te renvoie à la maison avec ce label-là, “non-essentiel” collé sur le front. Quand je me rappelle comme il était bondé, notre café, j’ai pas trop l’impression qu’il était non-essentiel. Non-essentiel. Vas-y pour encaisser ça. Vas-y pour rentrer chez toi et pas te foutre au lit. C’est pas de ma faute, j’allais bien moi, je taffais mes longues journées et je me plaignais pas, je servais les habitués sans qu’ils aient même à commander et je connaissais par coeur toutes leurs histoires de boulot et de divorce.
Non, demain, je me lève tôt. Je me rase, peut-être que j’arrive à couper un bout mes tifs pour dégager les oreilles. J’étais plutôt pas mal jusque là, je faisais pas mes 42 balais et j’ai clairement plus baisé que tous les mecs en couple que je connais. A vue de nez, j’ai dû prendre quoi, 5 ou 6 kilos? On met combien de temps, pour virer ça? Un mois, ça doit être jouable. Tiens, je vais chercher mes baskets, ça fait un bail que je les ai pas utilisées et demain, je me mets à la course. Je vais griller ma graisse, ça va pas tarder!
Je vais mettre mon nouveau planning par écrit, ce sera plus clair. Je dois bien avoir un calepin qui traîne dans cette table de nuit. Des post-its, ça fera bien l’affaire. Donc demain, tout frais dès le matin, une fois que je suis bien douché et débroussaillé, je débarrasse mon bureau et je ressors mes crayons. Ca fait des années que j’ai pas dessiné, je serai un peu engourdi, mais ça va revenir très vite. C’est comme le vélo. Je pourrais reprendre mes projets de BD, que j’avais commencés quand Emilie était encore là. Je dessinais beaucoup, avec elle, elle voulait toujours que je lui en montre des nouveaux, alors je devais tenir le rythme. Il y avait cette BD sur un serveur dans un café qui voit défiler des personnages plus dingues les uns que les autres, ouais, c’était un peu autobiographique, mais c’était pas mal. Elle riait à mes blagues, Emilie. Elle me trouvait hyper drôle, c’est dingue, il me semble qu’on ne m’a plus dit ça depuis des années. Après qu’elle est partie, j’ai fait quelques croquis ultra noirs, des trucs de cul, avec elle. Elle aurait détesté. Je me souviens que ça m’a mis mal, mais je pouvais pas m’empêcher de le dessiner, je sais pas pourquoi. Je crois que j’ai plus touché mes crayons, après ça. La vache, ça doit faire bien 7-8 ans.
Demain, je me remets au dessin! Je sais pas encore sur quoi, on verra bien le sujet, une fois que je serai frais douché, l’inspiration reviendra. Je suis un peu claqué là, et puis j’ai dit que j’allais profiter de mon dernier jour de glande, sans gêne, j’ai bien le droit. Allez, je rallume Netflix, il ne reste que trois épisodes.
Merde, j’ai dormi. Bon, c’est pas grave hein, je fais ce que je veux. Et puis, c’est bien de se reposer à fond, comme ça demain, j’aurai plein d’énergie. Je ferai le ménage aussi, et puis des courses. Demain, je vais recommencer à cuisiner des trucs, j’achèterai des légumes, je les ferai à la vapeur. C’est régime, demain! C’est l’idéal, il paraît que dès qu’on mange plus léger, on gagne plein d’énergie, tout celle qu’on perdait avant dans la digestion. Ca va aller nickel, je serai tout léger pour la course.
Justement, j’ai un peu la dalle là, je me fais une dernière pizza. Allez, je fête mon nouveau départ, je débouche un petite bouteille, faut savoir s’octroyer des bonnes choses, c’est bon pour la motivation. Les mousses au chocolat, dès demain, j’arrête. J’ai meilleur temps de manger les deux qui restent ce soir, comme ça c’est réglé, il n’y aura plus de tentation. Allez, l’appétit, c’est la santé!
Je suis pas fatigué. J’aurais pas dû dormir cet après-midi, je vais pas réussir à fermer l’œil. C’est déjà minuit passée, il me faut mes heures pour demain. Je crois que je vais me rouler un petit pét’ pour terminer la bouteille de rouge, ça va me relaxer. La beuh aussi, en fait, je pourrais la terminer, comme ça demain, je démarre avec un appart clean. Allez, comme ça. Il est un peu chargé, mais ce qu’elle est bonne. Oh, le bien que ça fait. Demain, tout ira mieux, tu verras*.
* »Demain, tout ira mieux, tu verras », tiré de IAM, « Petit frère », in L’Ecole du micro d’argent, 1997