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Déesse

Déesse

Déesse

Il n’y a de déesse que toi
A tes pieds je me prosterne, vois
Tout bas te prie, pardonne-moi

Tu irradies de l’évanescence
Plus éclatante est ton absence
La mort t’a faite omniprésente

Ton nom résonne dans mon crâne
En vain se heurte à ses parois
Une bille de flipper aux abois

Je lève les yeux, te demande
Que faire? Qu’ai-je fait? Je me tourmente.
Tu souris, silencieuse Joconde

Je lance des formules magiques
Ce que j’aurais dû dire, l’ai-je tu?
Te murmure l’essentiel, m’entends-tu?

Ah, ton essence âcre inspirer
Te tenir contre moi, te serrer
Bagues choquées, nos doigts enlacés

J’effleure ton visage arrondi
J’embrasse tes lèvres, insuffle la vie
Tout pour te ramener ici

Mes soliloques te déshonorent
De quel droit ainsi je te pleure?
Honteuse, avide, j’te récupère

Je n’ai joué que des fausses notes
Trop négligente de ton vivant
Possessive depuis, usurpation

Je déraille comme le soir aux bougies
Souviens-toi, riff sur Ben E. King
T’en vas pas princesse, stand by me.

18 novembre 2021

 

 

Mise à nuit

Mise à nuit

Poème écrit pour un concours sur le thème imposé de « le jour ou la nuit ». Non sélectionné. Mais je l’aime quand même.

 

Immobile dans l’immense lit,
J’entends dehors mourir la rue.
Pas de noctambules le mardi,
Pas de vent, pas de pluie non plus.

L’absence de bruits me terrifie
Chacun obéit, on s’est tu.
Faut-il au ciel guetter les ovnis ?
Je n’ose pas, ne bouge plus.

Du jour s’est éteinte ma confiance.
Mes muscles s’agitent, entrent en transe.
Le sommeil hésite, puis me fuit.

Si les angoisses trouvent dans le silence
Une formidable caisse de résonance
C’est qu’a échoué la mise à nuit.

Tasha Rumley,
Genève, avril 2021

Personne

Comme Alice je tente de voir personne
Je ferme les yeux, personne est là
Oh comme elle danse, elle se déhanche
De sa voix chaude, elle m’inonde
J’entends personne et là je crois,
Que c’est bien toi tout près de moi.

Près des roseaux

A cligner au soleil revenu
Ou à ton sourire ingénu?
Je distingue les couleurs sépia
Effacée la ville et ses coups bas

A t’entendre asséner la sentence
Bribes incertaines de ta vie en latence
Je ne voudrais pourtant être nulle part
Que sous tes yeux ruisselant d’étoiles

A pianoter sur tes avant-bras
Des airs secrets qui ne te quitteraient pas
Je te chante – entends-tu? – les délices
D’une échappée sur les pas d’Alice

Ferme les yeux, allonge-toi
Sur nous, les roseaux forment un toit
Au diable la morale et ses lois

A saisir mes cuisses dans le noir
Mes mains enragent de désespoir
Pour l’âme agitée, nul repos
Quand l’orgasme éclate en sanglots

A se demander ce qu’il adviendrait
L’esprit lutte, aucun ne l’accepterait.
Qui sait, simple eau fraîche d’un été?
Ou trésor d’un mot galvaudé?

A quoi bon te débattre autant?
Car tu le sais, c’en est troublant
En vrai, nous sommes déjà amants.

Larmes ferroviaires

Dans le train une inconnue pleure
Silencieuse et suffocante,
Ses yeux masqués de verres noirs
Dégorgent de larmes cinglantes

Ses mains désespérément
En cent-quarante signes à la fois
Tapotent le maudit écran
Destin en jeu à chaque envoi

La guerre est perdue
Tu le sais et tu hurles
Serrée dans la foule, reine nue
Ton cri intérieur te convulse

J’aimerais t’enlacer, hélas
Te dire qu’aussi j’ai aimé
Que la vie est bien dégueulasse
Pas même digne d’être sacrifiée

Minuscule parmi les sièges
Invisible dans la routine tassée
Elle s’effrite, se désagrège
J’entends, elle crie sa vie brisée 

A ses yeux je parais sereine
Dans le train, une fille se noie.
M’aurais-tu vue, il y a des semaines?
Cette fille-là, ce n’est plus moi.

Les pierres ne meurent pas

Tel un caillou tombé à l’eau
Je regarde les gens tout là-haut
Embuée de mes larmes en flots.

J’étais la plus belle autrefois
Scintillante de mille éclats
Pierre précieuse entre ses doigts.

Prétextant me rendre ma liberté
Il m’a soudain laissée tomber
Par lassitude, fatigue, lâcheté.

Et pétrifiée dans les tréfonds
Je me noie dans mes sanglots
Prisonnière de l’obstination.

Les petits cris, les grandes joies
En surface les couleurs je vois
Tous s’agitent et vivent, mais plus moi.

Ma peau s’est couverte de mousse
La vase m’aspire, je m’enfonce
Et bientôt, j’aurai disparu.