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Les pierres ne meurent pas

Tel un caillou tombé à l’eau
Je regarde les gens tout là-haut
Embuée de mes larmes en flots.

J’étais la plus belle autrefois
Scintillante de mille éclats
Pierre précieuse entre ses doigts.

Prétextant me rendre ma liberté
Il m’a soudain laissée tomber
Par lassitude, fatigue, lâcheté.

Et pétrifiée dans les tréfonds
Je me noie dans mes sanglots
Prisonnière de l’obstination.

Les petits cris, les grandes joies
En surface les couleurs je vois
Tous s’agitent et vivent, mais plus moi.

Ma peau s’est couverte de mousse
La vase m’aspire, je m’enfonce
Et bientôt, j’aurai disparu.

 

La vie reprise

La colère surgit plus souvent
Mais ne reste pas longtemps
La tristesse l’écrase, la chasse
Une boule parfois se fait, la rage.

Qui lâche ainsi ?
Ce n’est pas ce qu’on m’a appris.
Où est ma deuxième chance ?
Chien de concept, mensonge

Abandonner au premier jour
La vie promise, de suite reprise
Où est passé le grand amour ?
N’était-ce donc qu’une vaste méprise ?

Detached

I do not feel freed
Liar – I’ve been detached
Abruptly taken off the trunk
Of all my hopes and convictions.

Nothing left to hold on to
No sunshine to turn my face to
Yet, still light and green a leaf
Senselessly flying in the winds.

I could hit the ground tomorrow
Or survive decades in a row.
It’s just air, whatever the path
I will not leave a seed behind.

 

Rester là

Rester là et guetter
Le sourd silence entre les salves
Confiance forcenée en l’ira bien
Tête haute dans le vent glacé

Rester là et rattraper
Les dérapages des novices
Balancer ses prêches sans riposte
Fixer le Nord quand l’Est s’emporte

Tenir et rester
Parce que les autres suivraient
Détourner leur peur, une évasion
Comme un doigt en l’air – « Regarde, un avion ! »

A rester dans son lit
Sans un souffle qui trahirait
Quand les jambes veulent courir
Parce que de fer, gronde le tonnerre

Dans la nuit sans sommeil
Son image persiste
Un éclat planté droit dans le front
A jamais figé son regard d’étonnement

A rester, à tester
Mémoriser pour emporter
Les fils tendus, les vies échues
Le gâchis d’un monde perdu.

Les instants suspendus

Les vers depuis m’appellent
tels tes murmures dans la pénombre.
Mais effrayés par le soleil,
ils s’échappent de mes doigts pressés
au
clavier.

Je n’attrappe que des phrases éparses
agrippées dans les airs
emmêlées à mes juiveries capillaires.

Un « tiens-moi » suppliant –
un « non » plus inaudible encore.
J’entends l’homme qui brûle,
son souffle lorsqu’il se consume. 

Les instants suspendus
abreuvent les esprits avides d’absolu.
Alors que les passions assouvies
font taire le génie.

N’aies crainte que je ne m’attache.
Car les mots qui chantent,
toujours, libèrent.